Les données sont le nouvel or noir. Données comportementales et déclaratives, connaissance client, valorisation stratégique, marketing data driven, hard et soft data... Jérôme Gutknecht, Data Director de bpost, partage avec nous la vision de bpost sur la data.
Qui est Jérôme Gutknecht ?
· Data Director de bpost depuis 2,5 ans
∙ Expert & manager en business intelligence & analytics pendant 12 ans
∙ Actif dans les études de marché pendant 6 ans
Pourquoi les marques et les médias trouvent en bpost un partenaire idéal en matière de données?
JÉRÔME GUTKNECHT «bpost est l’entreprise qui compte le plus de clients sur le marché belge et a donc le potentiel de collecte le plus large. Nous avons depuis longtemps packagé ces données au travers de SelectPost. Les données récoltées via ce biais sont soumises au consentement. Les consommateurs répondent sur une base volontaire à un questionnaire traitant de diverses thématiques, ce qui nous permet d’identifier des intentions et des zones d’intérêt. Nous possédons par ce biais la base de données la plus qualifiée du marché belge, avec 1,5 million d’adresses postales et 1,6 million d’ adresses e-mails.»
Ce nombre évoluera-t-il à l’avenir ?
JG «Nous ambitionnons à terme d’identifier la plus grande majorité, voire la totalité, de nos clients. Or, la quasi-totalité des foyers belges est un jour ou l’autre cliente de bpost. L’utilisation de ces données sera bien sûr toujours soumise au consentement, mais nous espérons pouvoir ainsi augmenter significativement le reach. Nous souhaitons consolider ce volet B2C au travers d’un membership, en créant une sorte de data market place dont chaque partie sortira gagnante : le client final grâce aux offres partenaires plus ambitieuses, le client B2B grâce aux volumétries plus importantes et évidemment bpost. Un triptyque vertueux.»
Comment valorisez-vous ce potentiel de données?
JG «Depuis quelque temps, nous avons valorisé le produit SelectPost au travers d’alliances sur les médias avec Proximus et l’addressable TV, qui reposent sur notre connaissance data. D’autres alliances sont plus orientées data. Notre rôle relève alors du matching avec les bases de données d’autres clients qui entrent dans l’alliance, et de qualification avec les bases de données de ceux-ci. Nous n’enrichissons jamais les bases de données des clients. Les data restent notre propriété afin de permettre un contrôle total sur notre engagement en matière de consentement. Nous valorisons également ce potentiel de données par des services de support data allant du data quality au data supply en passant par un panel d’analyses (scoring, profiling, ROI & Insights, etc.).»
Quelle est la stratégie data de bpost?
JG «Nous travaillons sur deux axes, l’un interne et l’autre externe. L’axe interne supporte un marketing beaucoup plus data driven. Nous soutenons la digitalisation et l’optimisation des services de bpost en traduisant notre connaissance client dans un pilier data. Nous mettons en place des méthodologies et des infrastructures afin de centraliser cette connaissance client et de la diffuser sur les actions marketing ou les futurs changements digitaux. L’axe externe tend à renforcer le pilier de commercialisation des données. Cet axe d’innovation comprend les produits que nous commercialiserons avec davantage de marketing intelligence, des services géolocalisés et un positionnement sur le marché data B2B. À cet effet, nous avons réinternalisé des données autrefois hébergées ailleurs afin de les connecter avec tous nos touchpoints : terminal Nero utilisé dans les bureaux de poste pour la labellisation des colis, CRM, mobile mapping, etc. Toutes ces données récupérées à des fins commerciales le sont toujours dans un cadre RGPD strict.»
Comment cette stratégie a-t-elle évolué ces dernières années?
JG «Il y a quelques années, les données étaient utilisées à des fins principalement opérationnelles. L’objectif premier était le core business de bpost : le direct mail, les colis, etc. Les données étaient surtout un enabler pour arriver à l’envoi papier. Aujourd’hui, nous comprenons notre potentiel en termes de data et l’intégrons dans une chaîne de valeur stratégique. La data est également un pilier de la transformation digitale.»
Quelle importance revêt le data marketing à l’heure des Big Tech et du RGPD?
JG «Le data marketing avance de pair avec la digitalisation du marché. J’ai toujours considéré le RGPD davantage comme une opportunité qu’un frein. C’est en effet une opportunité de valoriser des solutions ‘locales’ et qualitatives, dans le respect du consommateur, et d’assurer ainsi une connaissance client plus pointue et proche des intérêts réels de ce dernier. Avec l’arrivée du cookieless world et la directive NOYB (None of Your Business), les bases de données qualifiées, telles que SelectPost, sont en passe de devenir une réelle alternative aux big players.»
Quel est l’avantage de SelectPost par rapport aux plateformes digitales et aux réseaux sociaux ?
JG «La cohérence et la pertinence des données. SelectPost repose sur du déclaratif, ce qui permet d’avoir une vue plus fidèle des intentions (déménagement, achats, intérêts…), ainsi que des données de contact renseignées et mise à jour régulièrement. Ces données seront progressivement complétées par des informations comportementales au travers de nos différents touchpoints, offrant à terme une vue à 360° des consommateurs. Une campagne bien ciblée garantira un meilleur retour sur investissement qu’une campagne massive basée sur des données peu chères, mais peu qualifiées.»
Le retour sur investissement de SelectPost est-il meilleur que celui des plateformes digitales?
JG «Les réseaux sociaux ont l’avantage d’être moins coûteux, mais ils sont aussi moins qualitatifs. Les taux de conversion sont beaucoup plus faibles. Avec SelectPost, les dépenses faites en amont garantissent une meilleure connaissance client et donc un meilleur reach. Si le coût est plus élevé, le targeting est plus précis.»
Comment combler la fracture entre les hard data et les soft data?
JG «Les hard data sont plutôt utilisées à des fins opérationnelles et transactionnelles, alors que les soft data alimentent déjà le marketing et les décisions. La fracture est tout d’abord liée à l’infrastructure qui doit être capable de relier ces deux approches. Les hard data sont moins structurées que les soft data. L’intérêt consiste à réagréger ces hard data afin qu’elles aient une vocation décisionnelle. Chez bpost, par exemple, nous ne récupérons pas d’informations liées à l’expéditeur et au destinataire sur les colis, car elles sont soumises au respect de la vie privée. En revanche, savoir qu’une personne commande plus de colis qu’une autre peut devenir une information décisionnelle. Ces données sont à la base opérationnelles, étant donné qu’elles sont basées sur le flux de colis, mais en les agrégeant, nous sommes en mesure de déterminer des catégories d’individus qui commandent plus de colis, ce qui nous donne des indications clés sur l’approche stratégique ou marketing. Outre l’infrastructure, il faut aussi une volonté d’aller au-delà des données comportementales et déclaratives.»
Les hard data sont indispensables pour établir des prévisions, mais pourquoi est-il de plus en plus nécessaire de tenir également compte des soft data?
JG «Les hard data relèvent du quantitatif et les soft data du qualitatif. Le marché inclut des aspects psychographiques moins cartésiens, notamment les effets de groupe et de communauté, qui sont souvent contre-intuitifs par rapport aux données purement quantitatives. Et lorsque la logique marketing est plus subjective, ces deux types de données sont importants. Les hard data factualisent davantage, tandis que les soft data drivent le marketing. Deux personnes qui commandent le même nombre de colis n’ont pas forcément la même sensibilité par rapport au même message.»